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Dans la nuit du 27 au 28 Avril 1942, un aviateur polonais arrive à pied à Montillot.
Les premiers témoignages…
Dans ses mémoires manuscrits, Pierre GUTTIN raconte :
« Ce fut, je crois, au printemps 1942, que survint un incident qui aurait pu être dramatique. De chez moi, j’entends des cris perçants et affolés venant de la propriété GENET (l’ancien prieuré, près de l’église) ; c’était d’autant plus surprenant que ce ménage de gardiens était habituellement très calme. J’arrive au portail d’entrée, et j’aperçois Madame B. me criant : « Arrêtez-le, c’est un malfaiteur ! » . J’interpelle aussitôt l’individu, et lui demande de me suivre chez le Maire. Venu près de moi, il me chuchote : « Aviateur anglais », et me montre ses poignets, une plaque militaire à chacun. Dans son regard, j’ai bien lu aussitôt qu’il désirait éviter d’être prisonnier …Pas de vraie tenue militaire, nu-tête, bottes fines, culotte de cheval, blouson, cravate ; 25 à 30 ans ; un ou deux doigts manquants à une main… J’ai commandé avec insistance aux 6 ou 7 personnes, – dont mon épouse -, qui s’étaient rapprochées, de quitter les lieux aussitôt ; ce qu’elles ont fait en maugréant, ne sachant pas ce dont il s’agissait…Mais pendant ce temps, Mr B. , sous le coup de la peur d’un malfaiteur et de l’affolement de son épouse – qui avait trouvé l’homme endormi au petit matin dans son bûcher -, était parti téléphoner aux gendarmes de Châtel-Censoir …
En nous éloignant, l’aviateur me raconte, en français approximatif, une carte à la main …
…En fait, il est polonais, ( d’où une première plaque militaire), engagé dans la Royal Air Force (2ème plaque…) comme pilote; de retour d’un bombardement sur l’Allemagne, atteint par la D.C.A. allemande ( la FL.A .K.), il a finalement dû poser son avion en catatrophe, vers 2h du matin, dans un champ près de la ferme de Vaulabelle, sur la commune de Châtel-Censoir : 2 morts, 2 blessés, lui seul indemne…A pied en restant à l’abri des bois, il s’est retrouvé à Montillot, a rejoint l’église, puis la maison voisine qu’il supposait être le presbytère, avec un prêtre à qui demander secours discrètement…
J’en savais assez … Avec d’autres voisins, qui le prennent en charge, je lui conseille de rejoindre le bois du Fège, le plus proche, par le chemin derrière la propriété GENET, et d’y attendre qu’on lui fasse signe en sifflant trois coups prolongés. Il me promet que, s’il en réchappe, il reviendra me voir ! ( Plus tard, le maire aurait appris que cet aviateur était le fils du Ministre des Affaires étrangères du Gouvernement polonais en exil à Londres).
Revenu près de chez moi, je trouve Mr B. bien contrarié de son appel aux gendarmes : « Moi, un ancien de 14-18, qu’est-ce que j’ai fait là ! » . En effet, c’est l’épouse du Chef- Gendarme qui lui a répondu ; mais un officier allemand était près d’elle, parfaitement au courant de la chute proche de l’avion, et de la « disparition dans la nature » de membres de l’équipage … Nous convenons ensemble de notre défense, et quelques minutes plus tard, 20 motocyclistes français et allemands arrivent sur la place du village. A l’officier qui nous questionne, nous répondons que nous avons eu très peur, cet homme tenant un revolver : « Les Franzouses sont des froussards ! », nous répond-il ; « comptez sur moi ! », et il prend nos noms . Quelques heures plus tard, le Sous- Préfet demande au Maire d’organiser une battue, en lui faisant comprendre discrètement de ne pas faire de zèle !
Le lendemain, tout le village sait que l’aviateur est caché au hameau de la Charbonnière. Heureusement, il n’y eut aucun dénonciateur ! Le bruit a couru ensuite qu’un groupe local de Résistance avait assuré son évasion par l’aérodrome de Bron. Je n’ai jamais su ce qu’était devenu mon aviateur polonais … »
Un autre témoignage, recueilli en août 2002 auprès de Mr Henri DESGRANGES, plombier en retraite à Châtel-Censoir (32 ans en 1942) :
« …Il faut savoir qu’il y avait de nombreux Allemands en garnison à Châtel. Leur commandement siègeait dans le « château », grande maison de maître voisine de la mienne. Sept d’entre eux étaient logés chez moi, dormant sur la paille. En début de matinée du 28 Avril, j’ai tout de suite remarqué une effervescence anormale, et j’ai appris qu’un avion anglais était tombé près de la ferme de Vaulabelle. Aussitôt j’ai enfourché mon vélo et je suis monté à l’endroit indiqué. Plusieurs Allemands étaient sur place, très occupés à récupérer l’essence contenue dans une aile, bien allongée sur cette chaume, appartenant à Fernand GOURLOT, à la limite des champs du domaine de Vaulabelle. Cet avion n’était pas tombé à la verticale ; plutôt, comme s’il avait atterri . Je n’ai remarqué aucune trace de sang, ni de victimes. Voulant éviter un interrogatoire, je ne me suis pas attardé …
Aujourd’hui, le lieu de l’impact (voir la carte ci-contre) est difficilement repérable sur le terrain ; il ne subsiste aucune trace ; dans les deux ou trois jours, les Allemands ont emporté jusqu’au dernier boulon ; La photo ci-dessus, prise en août 2002, montre la lisière d’un bois impénétrable à cause des massifs de ronces ; l’endroit de la chute se situe à 80 mètres environ derrière moi.
Travaillant souvent à Montillot, je n’avais pas tardé à savoir qu’un rescapé s’était réfugié au presbytère de ce pays, suivant les consignes reçues pendant son instruction… »
La phase suivante nous est racontée en août 2002 par Paul MOREAU , gendarme en retraite à Appoigny (près d’Auxerre).
Avec son beau-frère Jean ANTONI, Paul, alors âgé de 22 ans, il a participé à la battue organisée par le Maire de Montillot. L’aviateur a été rejoint dans le bois du Fège . C’est Charles SAVELLY qui l’a vu le premier et lui a donné un casse-croûte.
Paul et Jean l’ont ensuite conduit à la Charbonnière, hameau isolé au milieu de la forêt à 3 km au Sud-Est de Montillot, où il fut caché et hébergé au domicile de la famille TREMEAU .
Puis ils ont pris contact avec les responsables avallonnais du réseau de Résistance dont ils faisaient partie, réseau qui avait la possibilité d’organiser des filières d’évasion .
Au cours des conversations qui ont suivi, et avec l’aide d’une interprète connaissant l’anglais, – Paulette AUGER , institutrice alors en poste à Montillot, actuellement retraité à Asnières et épouse de Fernand HUET- l’aviateur leur a fourni quelques détails supplémentaires : lui, de nationalité polonaise, s’appelait Julian MORAWSKI. L’avion était un bombardier anglais « WELLINGTON ».
Touché au retour d’une mission sur la Ruhr, il avait une aile en feu quand il est arrivé dans notre région.
Ils n’étaient alors plus que deux dans l’appareil, et le pilote-automatique ayant été branché, ils ont sauté en parachute et l’avion est descendu en spirale avant de toucher le sol assez violemment, mais sans prendre feu. Disposant de rations de survie, ils sont partis à pied dans deux directions différentes; le compagnon de Julian était blessé.
Une semaine après son arrivée, l’aviateur, habillé en civil, était conduit à la gare de marchandises de Sermizelles au rendez-vous convenu avec les Résistants d’Avallon . Paul ne connaît pas l’itinéraire d’évasion qui a suivi . Il sait que Julian avait sur lui des adresses de points de ralliement pour rejoindre la zone libre, puis l’Angleterre.
Un message personnel convenu est bien parvenu quelque temps après par la radio de Londres, la B.B.C. : « Julian est bien arrivé ». De plus, il avait promis aux Résistants qui se sont occupés de lui de leur obtenir des parachutages d’armes …ce qui a effectivement eu lieu ultérieurement par le réseau « Résistance Fer ».
Quant au second évadé, blessé, il a rejoint le hameau des Bouchets (commune de Mailly-la-Ville ), et a demandé à être livré à la Gendarmerie pour recevoir des soins. Hospitalisé à Avallon, il aurait lui aussi profité ensuite d’une filière d’évasion, grâce aux bons soins d’une infirmière religieuse …
Aucune nouvelle de ces deux aviateurs n’est parvenue après la fin de la guerre…
Documents officiels
On les trouve aux Archives Départementales de l’Yonne (A.D.Y.) ; dossier réf. 1W89 « Aviateurs à Châtel-Censoir – 28/04/42 ».
D’abord le premier rapport de la Gendarmerie de Châtel-Censoir, rédigé par le Maréchal de logis-Chef Adolphe JOLIVOT, daté du 6 Mai 1942 :
« …le 28 avril 1942 à 2h30 du matin, un avion de nationalité anglaise tombait en flammes dans une prairie artificielle de la ferme de « Charmois » au lieudit « les Anges », territoire de la commune de Châtel-Censoir, à 2 km Nord-Est du bourg.
La brigade était avisée téléphoniquement à 2 h 45 par Mr GOURLOT Fernand, propriétaire de la ferme de Charmois. Par suite, les gendarmes SIMON, MACHURON et SOUTIF se rendaient sur les lieux.
A leur arrivée, des débris de l’appareil étaient épars sur le sol sur une superficie de 400 m2 environ et la carlingue brûlait. Une aile gisait à environ 50 m de l’appareil.
A la lueur de l’incendie , ils ont pu constater que l’appareil était un bimoteur de nationalité anglaise et qu’aucun membre de l’équipage ne se trouvait à l’intérieur. Le gendarme SIMON prévenait notre Commandant de section et alertait les brigades de Vézelay, l’Isle sur Serein, Coulanges sur Yonne, Vermenton, ainsi que la section de Clamecy, en vue d’entreprendre immédiatement des recherches pour retrouver les occupants qui avaient dû sauter en parachute.
Vers 4 h, des fusées et des cartouches explosaient.
A 5h, Mr le Maire de la commune était avisé et faisait assurer la garde de l’appareil par le cantonnier-chef CHABOT et les cantonniers LIONNEL et DIETRIEX.
A 7h, l’incendie de l’appareil était terminé…Aucune marque de l’appareil n’a pu être relevée.
Des militaires de la Feldgendarmerie d’Avallon et d’Auxerre étaient sur les lieux à partir de 7h (nos gendarmes avaient quelque peu tardé à les prévenir ! )
Des patrouilles étaient entreprises dans les communes environnantes…
L’avion détruit semblait venir de la direction de Coulanges ou de Courson, c’est-à-dire volant de l’Ouest à l’Est. »
…A 9h, un coup de téléphone de Montillot prévenait la brigade qu’un Mr B. «venait de découvrir dans son bûcher un homme étranger au pays…Quatre gendarmes sont dépêchés, mais à leur arrivée à Montillot, l’homme en question s’était enfui et avait gagné les bois voisins.
Les communes de Brosses, Montillot, Asnières, Lichères, Chamoux, Asquins, étaient visitées en tous sens et les bois fouillés…»
A partir de 17h, le MDLC JOLIVOT recevait à Montillot les déclarations des témoins.
D’abord de Mme B., 57 ans : « ce matin à 8h 30, en prenant du bois de notre bûcher, j’ai découvert un homme qui était caché. Dès que j’ai ouvert la porte, il est venu à moi, les bras levés. Il n’a pas prononcé une parole ni fait aucun geste. Prise de peur, j’ai crié au secours por ameuter les voisins, et mon mari qui était au lit s’est levé. L’homme m’a suivie dans la cour, toujours les bras en l’air.
Plusieurs voisins sont venus, Pierre GUTTIN, Marcel GEORGES, Pierre LOROTTE, MOUCHOUX…et plusieurs femmes. Ils sont restés dans la cour en présence de l’inconnu, pendant que mon mari allait téléphoner à la gendarmerie.
L’inconnu s’est alors dirigé vers une porte du parc, qui donne sur le chemin de ronde, et s’est trouvé en présence de Célestin GUTTIN, 75 ans, qui l’a invité à le suivre chez le Maire de la commune.
Après avoir fait quelques pas avec Mr Guttin, l’inconnu s’est enfui et a gagné les bois voisins .
….Cet homme pouvait être âgé de trente à trente-cinq ans, pas très grand, 1 m 65 environ. Il était tête nue, tout rasé, vêtu d’un blouson en cuir marron avec fermeture éclair et col en peau de mouton. J’ai pensé que cet homme était un voleur à l’affût d’un mauvais coup… »
Les autres témoins affirment que « cet homme n’avait rien de la tenue d’un militaire…nous avons pensé que cet inconnu était un ouvrier étranger travaillant dans la région, qui s’était caché après avoir fait un mauvais coup, ou dans l’intention d’en faire un… »
Un deuxième rapport concerne l’autre aviateur enfui ; il est établi par le Maréchal des Logis Chef PATIN, commandant la Brigade de Vermenton . et daté du 29 Avril.
« Le 28 courant à 21 heures, j’ai été avisé téléphoniquement par Mr Pierre LEFEVRE, cultivateur au hameau des Bouchets, commune de Mailly-la-Ville , qu’un aviateur anglais s’était réfugié quelques instants auparavant à son domicile, venant de la direction des Avillons à travers champs .
Mr LEFEVRE a ajouté que l’homme avait déclaré se rendre et formulé le désir que la police en soit avertie au plus tôt.
A notre arrivée sur les lieux à 21 h 45, nous avons trouvé, au domicile de Mr LEFEVRE, 4 militaires de la Feldgendarmerie qui, nous ayant précédés de 3 à 4 minutes, commençaient la fouille de l’aviateur.
Un instant plus tard, après un interrogatoire sommaire, ils l’ont emmené en direction d’Auxerre. »
Des rapports du chef d’Escadron FORTIN , commandant la Compagnie de l’Yonne de la Gendarmerie Nationale au Préfet de l’Yonne , reprennent tous ces points, avec quelques précisions supplémentaires obtenues au cours des conversations téléphoniques avec ses subalternes :
– parmi les débris de l’appareil, on a trouvé des bombes et des tracts rédigés en allemand…
– l’aviateur découvert aux Bouchets était « complètement exténué » ; « il est polonais, ce qui peut faire présumer que les 3 hommes montant l’avion sont de nationalité polonaise ».
mesures prises par les troupes d’occupation
Le 6 Juin 1942, le Lieutenant-Colonel DEKKHERT, de la Kreiskommandantur 745 à Auxerre, écrit au Préfet de l’Yonne Charles DAUPEYROUX :
« Objet : aviateurs anglais en fuite, qui ont sauté de l’avion tombé à Châtel-Censoir le 28 avril 1942 .
Il y a lieu de demander immédiatement à tous les maires de votre département une déclaration écrite sur ce qu’ils ont pu apprendre après enquête dans leur commune sur le séjour de ces aviateurs. Des états néants devront être exigés le cas échéant. Nous rappelons spécialement les sanctions en vigueur contre les personnes ayant favorisé la fuite d’équipages d’avions ennemis, au maximum la peine de mort.
Les déclarations écrites qui seront parvenues devront être transmises en bloc à la Kreiskommandantur 745 le 15 juin 1942. »
On trouve dans le dossier une cinquantaine de réponses de maires de l’Yonne, toutes négatives, sauf celle de Mailly la Ville, qui rapporte l’épisode des Bouchets …
En présence de ces témoignages et rapports, une question reste posée depuis 60 ans, et les témoins cités plus haut me l’ont tous répétée : que sont devenus ces aviateurs polonais, et en particulier Julian MORAWSKI, notre évadé de Montillot ?
Comment s’y prendre ? Une première tentative auprès de l’Ambassade de Pologne en France se solde par un maigre butin : après rappel , j’obtiens seulement les adresses de 2 librairies polonaises à Paris !
Alors, à nous INTERNET !
L’accès est facile : on appelle un « moteur de recherche » international, tel GOOGLE ( qui, lorsque l’on affiche la question « MONTILLOT ? », fournit aux internautes du monde entier l’adresse de notre site Internet !).
Le problème est de trouver les « mots-clés » qui ont le meilleur « rendement », c’est-à-dire qui nous fournissent les réponses les mieux adaptées à notre recherche. Ici, on s’aperçoit vite que, lorsque l’on affiche des questions telles que :
– « Polish Air Force WW2 » ( forces aériennes polonaises dans la 2ème Guerre mondiale)
– « Polish airmen in RAF WW2 » ( aviateurs polonais dans la Royal Air Force…)
– « Polish squadrons in RAF WW2 » ( escadrilles polonaises dans la R.A.F.), …
on obtient en une fraction de seconde une dizaine de références, et dans les 5 minutes qui suivent plusieurs centaines d’autres ! Ces « références » sont des adresses de sites Internet, ouverts par des particuliers, des écrivains, des journalistes, des associations et présentant soit des témoignages, soit des exposés, soit des extraits d’articles ou de livres ayant une relation avec les « mots-clés » affichés. (noter que 99% sont en anglais).
Problème : parcourir les titres, choisir ceux qui paraissent devoir nous apporter des informations et lire les textes …avec patience !
Au passage, on note les adresses d’organismes avec lesquels prendre contact ultérieurement, par exemple :
– « Polish Airforce Association » à Londres.
– « Royal Air Force Musum » à Londres.
– « Polish Institute and Sikorski Museum” à Londres.
– « Bomber Command Association » à Londres …
et des titres d’ouvrages à consulter éventuellement :
– « la Pologne et les Polonais dans la tourmente de la 2ème Guerre mondiale » par E. GOGOLEWSKI (Ed. Septentrion).
– « The Polish Air Force at War ; 1939-1943 ; 1943-1945 » par Jerzy B. Cynk. …
1)- Une 1ère touche, parce qu’en français ? → le site www.memoire-net.org/lieux/foire.html reproduit un article de G. SLIZEWKI et de C-J. EHRENGARDT dans le N° 19 ( 06-07/2001) de la revue « Aéro-Journal », intitulé « Des aviateurs polonais à Lyon ». On y apprend qu’après l’invasion de la Pologne en septembre 1939, de nombreux Polonais ont quitté leur pays pour poursuivre le combat ailleurs. Parmi eux, un certain nombre d’aviateurs sont arrivés en France, et ont été hébergés sur la base de Lyon-Bron, ceci jusqu’à l’invasion de la France elle-même en mai 1940. Ces aviateurs ont alors rejoint l’Angleterre.
2)- un texte en anglais attire mon attention, car il est illustré par des dessins et photos d’avions WELLINGTON. Le site : www.geocities.com/skrzydla/304/304Story.html . Son titre : « History of N° 304 (Polish) Squadron » , écrit parWilhem RATUSZYNSKI.
En 10 pages est retracée l’histoire de cette unité, créée le 23 Août 1940, composée au départ de 185 hommes dont 31 officiers, ayant combattu en Pologne puis en France. L’entraînement sur les Wellington, l’apprentissage de la langue et l’installation sur la base de Syerston près de Newark ( 180 km au Nord de Londres) prirent plusieurs mois et le premier vol opérationnel de 2 équipages eut lieu le 24 Avril 1941, pour un bombardement de réservoirs de carburant à Rotterdam. Et progressivement le « N° 304 squadron » prit sa place dans le 1er Groupe de bombardement de la R.A.F.. : en 1941, il a fait 214 sorties opérationnelles, en 1202 heures, et perdu 47 hommes, tués disparus ou prisonniers.
Les premiers mois de 1942 furent particulièrement durs, la D.C.A. allemande accroissant son efficacité…Pensant à notre Julian MORAWSKI, – dont je ne sais alors s’il appartient à cette escadrille plutôt qu’aux autres « squadrons » de bombardement – 301, 305 ou 308 -, je note ce qu’écrit l’historien Ratuszynski : « Pour le N° 304, Avril se montra tragique. L’escadrille perdit 6 équipages ( 36 hommes) durant les missions, et vers la fin du mois, on put à peine rassembler 6 ou 7 équipages pour des opérations. Le 24 avril fut un jour important. Une année auparavant, le premier vol opérationnel a eu lieu, et le Général SIKORSKI ( Chef du gouvernement polonais en exil à Londres) rend visite à l’unité. »
Compte tenu de ces pertes importantes et du manque de réserves, il fut décidé d’affecter le 304 au « Coastal Command » à partir du 10 mai 1942. La surveillance des côtes et des sous-marins et autres navires ennemis entraînant en règle générale moins de pertes, au prix de temps de vols plus longs.
A la page 4 du texte je relève : « le sergent- pilote BAKANACZ a eu une chance inhabituelle dans une rencontre avec l’aviation ennemie. Quand le 24 septembre, 9 Wellingtons polonais patrouillaient leur secteur, son appareil fut attaqué par 2 Junker-88. Ensemble, avec son Commandant MORAWSKI, ils déjouèrent la manœuvre des attaquants et les mitraillèrent. »
…Fort de cette lecture, j’ai pris contact le 1er août par e-mail avec Mr RATUSZYNSKI ; sans réponse, je l’ai relancé le 28 pour savoir si « son » MORAWSKI était le même que le mien, supposé revenu de son « escapade » en France .
Revenu de vacances Mr R. me répond le 4 septembre : « je ne peux confirmer si l’officier aviateur MORAWSKI en patrouille est la même personne qui a échappé à la capture suivant le crash d’un Wellington le 27 Avril 1942, n’ayant pas les ordres de mission de l’escadrille ; et MORAWSKI est un nom très commun en Pologne »….
3)- Je suis amené dans la même période à prendre contact avec un autre historien, lui-même en relation avec Mr RATUSZYNSKI ; il s’agit de Mr Julian HOSEASON, universitaire à Bulle en Suisse, au « Glion Institute of Higher Education » , qui a fait des recherches sur les relations entre la Résistance française et les Polonais dans la région de Lille. Pour m’aider dans mes recherches, il m’a envoyé le 5 septembre 2002 une liste de sites relatifs à l’aviation polonaise dans la 2èmeGuerre mondiale, sites qui m’ont été très utiles (cf § suivant). Il me parle aussi d’un vétéran polonais du « N° 301 squadron », Joseph FUSNIAK.( cf § 5)
4)- Partant de l’hypothèse « MORAWSKI appartient à l’escadrille 304 », et des pertes signalées en avril 1942 par Mr RATUSZYNSKI, je cherche des précisions sur le site www.bomber-command.info/wellloss.htm . On y trouve des tableaux rappelant toutes les pertes d’appareils, classées par type d’avion, par date et par escadrille.
Dans le chapitre relatif aux Wellingtons, on trouve facilement que les raids du 27 Avril se sont soldés par la perte de 8 appareils immatriculés :
– raid sur NICKEL ( ?) : X9635 et Z8901
– raid sur Cologne : X3639, X3288, X3700, Z1276, W5627 et Z1088.
La comparaison avec le tableau des pertes par « squadron » permet de repérer ceux de la liste ci-dessus qui appartiennent au N° 304: on trouve le W5627 et le Z1088. Il faudrait connaître les noms des membres des équipages . Le site du « Bomber Command » ne les fournit pas. J’envoie donc cette question aux organismes qui possèdent des dossiers complets, à savoir :
– « The Polish Institute and Sikorski Museum »
– “The Polish Airforce Association”, ces 2 organismes logés à Londres.
5)- C’est par le site www.buckdenpike.co.uk que l’on connaît l’aventure de Joseph FUSNIAK, racontée par son fils Richard: le 30 janvier 1942, un équipage de 6 aviateurs polonais effectuait dans un bombardier Wellington une mission d’entraînement de nuit sur l’Angleterre.
Joe était canonnier, dans la tourelle arrière. Pris dans une forte tempête de neige, l’avion perd de l’altitude, le pilote perd ses repères au sol, identifiant mal les lumières d’une ville. Vers minuit, il frôle une colline de 700 mètres , heurte un mur de 2 m et l’avion s’écrase . La tourelle arrière est séparée du fuselage. Malgré une cheville blessée, Joe en sort et fait le tour des débris de l’appareil. Quatre aviateurs ont été tués sur le coup ; le sergent radio est gravement blessé. Joe décide d’aller chercher du secours, enveloppe son camarade dans une toile de parachute, et part dans la nuit et la neige, ne voyant pas à plus de 2 mètres. Soudain, il change complètement de direction pour suivre les traces fraîches des pas d’un renard, qui l’amènent finalement, par un trajet très accidenté, à la porte d’une ferme…Le lendemain il est remonté vers le lieu de l’accident ; son camarade était mort…
Depuis il est retourné souvent là-haut, au sommet du « Buckden Pike » ; et en 1973, il y a fait élever une croix à la mémoire de ses amis…
En juillet 1942, au cours d’un vol au-dessus de l’Allemagne, il a été à nouveau éjecté de sa tourelle et a été fait prisonnier. Né le 10/05/22, il a 80 ans et vit aujourd’hui dans le Kent, « where foxes visit his garden for hit-bits at night » ( les renards visitent son jardin la nuit …).
J’ai donc pris contact avec Richard FUSNIAK, qui m’a donné l’adresse de son père. Celui-ci répond dès le 3 octobre, par une lettre de 2 pages, très riche d’informations, dont voici quelques extraits traduits :
(…sorry, André, I did not know Julian Morawski …), je n’ai pas connu J.M., ni l’écrivain Ratuszynski, mais j’ai 2 volumes sur la P.A.F., l’aviation polonaise pendant la guerre ainsi qu’un recueil de tous les aviateurs polonais morts en service opérationnel… Julian M. était pilote F.O. (Flight Officer) au “304 squadron” (notre enquête progresse !!). Les 27-28 avril 1942, il faisait avec d’autres équipages, un raid de bombardement sur l’usine KNOCKER-HUMBOLT-DENTZ à Cologne. Son équipage était composé du F/O Jan WACINSKI, du Sergent Boleslaw WOZNIAK, du sergent Bohdan LIPSKI et du sergent Edward POLESINSKI. Son Wellington NZ-B (W5027) fut endommagé par la FLAK (DCA allemande), l’équipage indemne s’est parachuté, a été interné au camp de Miranda en Espagne et est revenu au Royaume Uni. Un second équipage, dans l’appareil NZ-D Z1088, fut perdu la même nuit en Belgique ; tous furent tués.
Julian MORAWSKI, né le 23/12/1913, avait été affecté au « N°13 Squadron » en Pologne au début de la guerre. A son retour en Angleterre, il a volé dans le « 301 Squadron » puis a été affecté au « N°138 RAF special duties Squadron », destiné à larguer du matériel et du personnel au profit des « partisans ».
Le 12/13 juillet 1943 il volait vers la France dans un bombardier « Halifax Mark II » N° JD 155 pour larguer des agents secrets…. L’avion fut abattu en Normandie près de Saint Paul sur Risle ( 3 km sud-est de Pont-Audemer- Eure). Tout l’équipage a été perdu, probablement incapable de se parachuter à basse altitude…
May god bless them (que Dieu les bénisse).
Le pilote Julian MORAWSKI est inhumé dans le cimetière polonais de GRAINVILLE- LANGANNERIE, tombe N°9, rangée D, section VIII.
Je vous signale que j’ai été cantonné à Lyon-Bron en 1939, que j’ai terminé la guerre avec des médailles françaises, anglaises et polonaises ; je ne les porte jamais car mon frère Jacob est mort comme estafette dans Varsovie insurgée et qu’il n’a jamais eu de médaille. Shame ! (Honte !).
André, j’espère que cette lettre vous aidera, et si vous rendez visite à quelque tombe d’aviateur polonais, …would you be an angel and put a white – red rose on the grave… ( soyez un ange, déposez des roses rouges et blanches – couleurs de la Pologne – sur la tombe).
J’ai perdu 2 équipages de bombardiers Wellington, 10 hommes et je prie pour leurs âmes chaque soir pour qu’ils soient pardonnés d’avoir tué des Allemands. La vie est pleine de surprises, de souffrances, de soucis à mon âge, passé 80… »
Rien à ajouter !…
6)- Les 2 groupements consultés à Londres me répondent d’une façon très détaillée, confirmant et complétant les informations fournies par Joe FUSNIAK.
a)- le 12 octobre, Jerzy B. CYNK, archiviste et historien de l’aviation polonaise, répond à ma lettre adressée à la « Polish Airforce Association ». Notons en priorité les informations nouvelles.
25 équipages polonais, appartenant aux squadrons 300, 301 et 304 participaient au raid du 27 Avril 1942 sur une usine de Cologne. Le 304 a perdu 2 avions , le Z 1088 et le W 5627, le premier en Belgique avec perte de son équipage, le second en France dont l’équipage a survécu . Le pilote de ce dernier était Julian MORAWSKI ; les 5 coéquipiers se sont échappés par différentes routes avec l’aide de la Résistance française, ont passé la frontière espagnole et terminé au camp d’internement de MIRANDA, d’où ils ont réussi à s’échapper puis à retourner en Angleterre au cours de l’été 1942. Pas de détails sur les routes d’évasion…
Julian M., promu lieutenant, fut en 1943 tranféré au N° 138 « Special Duties Squadron », et fut tué aux commandes d’un HALIFAX JD155 en larguant des fournitures à un mouvement de Résistance française .
Les 4 autres membres de l’équipage du 27 Avril ont survécu à la fin de la guerre.
b)- le 15 octobre, c’est Mr Andrzej SUCHCITZ, archiviste du « Polish Institute and Sikorski Museum » qui m’adresse une réponse détaillée. Quelques renseignements de plus …
Julian M. est né le 23/12/1913 ; il a servi avant 1939 dans le 1er « Air Regiment » à Varsovie. Durant la campagne de Pologne il a volé au 13ème « Recce Squadron » avec le Groupe Opérationnel Indépendant « Narew » dans le Nord de la Pologne. Après le crash du 28 Avril 1942, il a pu rentrer en Angleterre en août 1942. D’octobre 1942 à mai 1943, il a servi dans le N° 307 Squadron (chasse de nuit). Le 11 mai 1943, il est passé au « Special Duties 138 Squadron » ( missions spéciales).
Des photocopies de documents officiels – certains écrits en polonais…- sont jointes :
– fiche de position de J.Morawski, matricule P.1096.
– notes journalières opérationnelles R.A.F. du 304 Squadron du 27 au 30-04-42 . Le 27 Avril, on lit :
– « temps : beau ; bonne visibilité ; fort vent, avec des rafales l’après-midi et le soir.
– 5 équipages seniors prennent part à un raid sur Cologne. Trois rapportent avoir bombardé dans la cible ou près d’elle. Des 2 autres, commandés par le F/O MORAWSKI et le F/O SCZUROWSKI, aucune nouvelle ne fut reçue et ils sont considérés comme « manquants ». Une mission supplémentaire, bombardement des docks de Dunkerque, fut réalisée par un équipage commandé par le Sergent O. »
7)- Un point restait en suspens : Julian était-il réellement fils d’un ministre ?
A ma question, A. SUCHCITZ répond : « autant que je sache, le Lt MORAWSKI n’est pas le fils du diplomate polonais Kajetan MORAWSKI dont le fils Maciej vit à Paris ».
A ma lettre ce Mr Mathias MORAWSKI répond par téléphone qu’il ne connaît pas Julian M., mais a adressé ma question à l’un de ses amis parisiens, vétéran de la Force aérienne polonaise (P.A.F.). Celui-ci m’écrit le 7 novembre :
– « Mathias est bien le fils de Kajetan MORAWSKI, qui faisait partie du gouvernement SIKORSKI, comme du gouvernement polonais d’avant-guerre d’ailleurs, mais il n’est pas apparenté à Julian M. et ne l’a pas connu. En ce qui me concerne, je ne pense pas avoir rencontré Julian M. en Angleterre. « L’histoire officielle de la Polish Air Force », de CYNK, confirme la plupart des renseignements que vous avez déjà. Je regrette de ne pas pouvoir en dire plus et satisfaire ainsi la curiosité légitime des survivants de cette époque qui l’auront connu . »
Notre enquête est bouclée …. !
Informations complémentaires et commentaires…
1)- Sur l’enquête.
On peut s’étonner: comment se fait-il que :
– l’on ait dû s’adresser à des Polonais se trouvant en Angleterre et non en Pologne pour obtenir des renseignements sur l’Histoire de leur Armée ?
– que l’on trouve facilement sur Internet des sites récents très détaillés sur la 2ème Guerre mondiale ?
1ère question : on soulève là un problème politique grave : les militaires polonais qui avaient combattu aux côtés des troupes alliées n’ont jamais considéré qu’ils avaient été « libérés » en 1945… A la suite des conférences entre les « Grands » (Churchill, Roosevelt et Staline) – à Téhéran en Décembre 1943, Yalta en février 1945 et Postdam durant l’été suivant -, l’Europe Centrale fut partagée en 2 zones d’influence, séparées, – en gros -, par le méridien 12° Est, qui passait à 100 km à l’ouest de Berlin. Cette division correspondait à l’avance extrême des armées des 2 camps, qui ont opéré leur jonction en avril 1945 sur l’Elbe.
La Pologne est bien considérée comme faisant partie du clan des vainqueurs, mais si elle gagne à l’Ouest sur l’Allemagne 100 000 km2, elle cède vers l’ouest 170 000 km2 à l’URSS ; les populations de cette zone étant ramenées vers les régions prises à l’Allemagne !
De plus elle passe rapidement sous influence soviétique : un gouvernement provisoire mis en place en janvier 1945, à la libération de Varsovie, se disloque en 1947. Un parti « ouvrier unifié » (socialistes et communistes) prend le pouvoir et comme pour la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et les États Baltes, la politique de la « République populaire de Pologne » s’aligne complètement sur celle de l’URSS à partir de 1948.
Staline ne voyait pas d’un œil favorable le retour des combattants polonais auréolés de leurs actions dans les rangs des Occidentaux, et habitués à vivre en pays démocratiques (France puis Angleterre). Or dans toutes les négociations avec ses partenaires il se trouvait en position de force, bénéficiant de l’avance rapide de ses troupes en Europe orientale.
Ceci explique, entre autres faits extrêmement regrettables, l’absence des Polonais au défilé de la Victoire …
Le site www.geocities.com/skrzydla/ réunit les caractéristiques principales des escadrilles polonaises ; une plaquette de présentation est rédigée par MM RATUSZYNSKI, OLSZEWSKI et SOJDA, historiens.
On lit : « Le 8 Juin 1946, les Alliés célébraient leur succès dans la 2ème guerre mondiale par la « London Victory Parade » sans que flottent les couleurs polonaises, et sans la présence de soldats polonais. Parmi les présents on trouvait l’Abyssinie, le Brésil, la Perse, le Mexique, le Népal et …le Luxembourg ( ?)… Bien qu’ils aient combattu du bon côté, ils avaient perdu. Ils n’avaient pas de Pologne libre et démocratique à rejoindre, et ils devinrent une armée de laissés-pour-compte dans le puzzle politique qu’était l’Europe. »
On comprend leur amertume devant cette odieuse injustice …Rappelons qu’il y avait plus de 140 pilotes de chasse polonais dans la Bataille d’Angleterre, et personne ne doute qu’ils aient contribué à faire pencher la balance du bon côté dans un combat difficile.
A cette question sur l’attitude choquante des Alliés, posée à Mr J. HOSEASON,- déjà cité plus haut-,celui-ci me répond le 25 septembre : « l’explication est fournie dans le sitewww.polandinexile.com . D’après les accords de Yalta, devaient rester en Grande-Bretagne 500 militaires polonais, qui étaient considérés comme des combattants illégaux (Staline les appelait « mercenaires »). Staline était terrifié à l’idée qu’un personnel sortant de service actif retourne « au pays » et reforme des divisions opérationnelles, alors que les États d’Europe Centrale et de l’Est commençaient tout juste à organiser les premières élections d’après-guerre… Ces ex-militaires Polonais furent placés dans des camps d’internement spéciaux (vieux baraquements) en 1945-46, leurs armes confisquées et ensuite questionnés à nouveau, pour ensuite, soit être placés en résidence forcée, – et dans de nombreux cas fusillés ou condamnés à 8 à 12 ans de prison, soit rester au Royaume-Uni (pas beaucoup), ou passer aux USA, au Canada ou en Argentine. Quelques émeutes ont été sévèrement réprimées.
Churchill fut sévèrement critiqué.
Mon père Zenon KRZEPTOWSKI a eu de la chance et put rester en Angleterre. Je connais des familles où les officiers de retour ont été fusillés dans les 48 heures pour avoir combattu avec les Anglais. Les derniers « prisonniers » furent relâchés en 1958 ; leur crime était d’avoir combattu avec les Anglais ou la France Libre. Le cousin de mon père, qui a combattu avec les « Français libres » fut « barré » de tout emploi officiel en Pologne sa vie durant… »
Comment s’étonner que les survivants et les documents d’archives ne se trouvent qu’en Angleterre ?…
2eme question : la réponse est plus simple. Le réseau Internet s’est très largement développé ces dernières années. Quand à la seconde Guerre Mondiale, les historiens s’y sont intéressés de plus en plus compte tenu de l’ouverture progressive des Archives officielles, et de l’organisation de cérémonies diverses aux titres de « cinquantenaires », et maintenant de « soixantenaires »…
2)- Sur le N°304 Squadron
Quelques résultats opérationnels , pour mettre l’accent sur l’activité d’une seule des escadrilles polonaises de la R.A.F. :
– au sein du « Bomber Command » (missions de bombardement) , d’avril 1941 à mai 1942: 488 sorties opérationnelles sur 2481 heures ; 400 tonnes de bombes larguées ; 12 avions perdus ; 102 aviateurs tués ou blessés ; 35 prisonniers.
– au sein du « Coastal Command » (surveillance du domaine maritime et lutte anti-sous-marine) , du 10 Mai 1942 au 30 Mai 1945: 2451 sorties en opérations, sur 21331 heures de vol ; 21 tonnes de bombes ; 43 tonnes de mines ; 19 appareils perdus ; 10 navires attaqués dont 2 coulés et 5 endommagés ; 16 attaques sans résultats connus…
Il y avait aussi, – avec équipages polonais -, en bombardiers, les « squadrons » 301, 305 et 308 ; en chasse de jour , les 302, 303 , 306 et 317 ; en chasse de nuit le 307 …
3)- Sur l’avion WELLINGTON
Ce type d’appareil a une place spéciale dans l’histoire de la technique aéronautique .
Conçu par l’ingénieur WALLIS, de la Société VICKERS (G.B.), il a fait son premier vol en 1938.
Son originalité est de ne pas utiliser de tôle mince comme revêtement travaillant, mais un réseau orthogonal de profilés courbés d’avance à la forme voulue sur des lignes de longueur minimale ( d’où le nom de « construction géodèsique Vickers »). Le tout est recouvert de toile. Les efforts sont bien transmis et ont tendance à s’équilibrer. On peut ainsi supprimer les nervures dans les ailes et disposer de grands volumes logeables pour l’essence. Le gain de poids qui en résulte permet d’accroître l’allongement des ailes, donc la « finesse » et la distance parcourue en vol plané. L’expérience a montré que cette structure résistait mieux à l’impact de projectiles de D.C.A., et était facilement réparable.
Au cours de la guerre, la motorisation s’est améliorée ; au début, 2 moteurs Bristol-Pegasus de 1000 CV, à la fin 2 Bristol Hercules de 1675 CV. Le pilote Julian MORAWSKI , d’après ses interlocuteurs de Montillot, se plaignait des faibles performances du Wellington Mark I dont il disposait.
Envergure : 26 mètres ; longueur : 20 mètres ; hauteur 5,3 m.
Vitesse max du Mark I : 378 km/h à 4700 m d’altitude ; rayon d’action : 1930 km ; plafond : 5500 m
4)- Sur les gendarmes
Au cours de cette enquête, on m’a parlé plusieurs fois des gendarmes de Châtel-Censoir, dont on a lu ci-dessus le rapport sur le « crash » de l’avion.
Il faut se souvenir qu’une loi du Gouvernement de Vichy de février 1943 ordonnait un Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) : les jeunes hommes de 20 à 22 ans étaient « mobilisés » pour aller travailler dans les usines allemandes ; en échange de quoi le Gouvernement allemand promettait de libérer un certain nombre de prisonniers de guerre français, dans l’esprit de la « Collaboration » chère au Président du Conseil Pierre LAVAL. Il est évident qu’un grand nombre de ces jeunes cherchèrent à échapper au S.T.O. Certains se sont cachés dans les bois, où leurs familles venaient les ravitailler ; d’autres ont rejoint les « maquis », d’autres se procuraient de faux papiers et allaient travailler dans des villages éloignés …A Montillot plusieurs cultivateurs ont ainsi embauché des ouvriers agricoles,…venus d’ailleurs. Mais l’Administration, et en particulier les brigades de gendarmerie étaient chargés de traquer les « réfractaires au S.T.O. » . Or quand ils rencontraient un de ces garçons, les gendarmes de Châtel l’interpellaient à leur façon : « Qu’est-ce que tu fais là ? Je ne veux pas te voir !… » On cite même le cas d’un jeune qui s’était procuré une fausse carte d’identité, mais était embarrassé car, pour avoir une apparence « officielle », elle devait être dactylographiée. C’est la machine de la Brigade de Châtel-Censoir qui a fait le travail… !
Mais il faut savoir aussi que 3 de ces gendarmes ont été tués le 26 Août 1944 entre Pontaubert et Avallon, au cours de l’attaque d’une colonne blindée allemande qui se repliait . Les noms de AdolpheJOLIVOT ( 47 ans), Jules SOUTIF ( 31 ans) et André LOUAP ( 39 ans) sont gravés dans la pierre du monument aux morts de Châtel-Censoir…
5)- Sur la Résistance
Les premiers mouvements de résistance se sont développés dès 1940 en « zone libre ». Mais en novembre 1942, toute la France fut occupée et partout des réseaux se sont constitués . Les jeunes « réfractaires au S.T.O. » s’y sont souvent rattachés, tout en restant dans leur village, et participant la nuit, de temps à autre, à des missions de renseignement, de parachutage ou même de sabotage.
« Electrons libres », ils ont souvent été incompris et critiqués : les « anciens » de 14-18 raillaient leur absence de formation militaire ; d’autres regrettaient leurs imprudences ou, quelquefois, leurs vantardises, qui pouvaient avoir des conséquences tragiques . Mais lorsque leurs « actions » étaient coordonnées par des responsables de réseaux, elles pouvaient avoir une efficacité indéniable, tout en étant souvent inconnues de l’entourage .
En 1943 et 1944, la plupart d’entre eux ont rejoint le « maquis » le plus proche ( pour nous, le « Maquis du Loup » près de Clamecy ).
Nous avons ici, avec l’histoire de « l’aviateur polonais », un exemple remarquable : quoi de plus important que de rendre indemne à la Royal Air Force en 1942 un équipage complet devenu brutalement indisponible en territoire ennemi ?
On trouve d’autres exemples dans notre région, rapportés dans le livre de Mr Bailly sur la « Résistance dans l’Yonne ».
Une institutrice en retraite, originaire de Montillot, Madame DESMEUZES, demandait au début 1943 – pour le compte d’amis parisiens responsables du réseau « résistance Fer ». -, à des personnes de confiance du village de trouver dans les environs une clairière permettant un parachutage d’armes . Le terrain fut trouvé au lieudit « Vallée de l’Isle » sur la commune du Bois d’Arcy. Le largage eut lieu dans la nuit du 24 au 25 Août 1943, annoncé par un « message personnel » de la B.B.C. : « Le chef d’orchestre devenu rêveur se suce le pouce ». Armes et explosifs sont stockés dans une carrière voisine, et quelques jours plus tard, une carriole avec 2 chevaux transporte les containers à Montillot, d’où, par la gare de Sermizelles, ils seront expédiés aux endroits fixés (Dijon et Paris).
M. Bailly cite aussi Madame Rose VINCENT, originaire de Brosses, « qui avait fait de sa maisonnette de garde-barrière à Arcy-sur-Cure un hôpital miniature », où elle soignait avec l’aide du Dr LAMASSON les résistants et aviateurs alliés blessés, avant de les « réorienter » vers un maquis ou une filière d’évasion. Nous savons que le 11 Août 1944 fut pour elle un jour de grands dangers : maison encerclée par les Allemands, arrestation de son mari Jacques, et le soir début de perquisition, soudainement interrompue , les militaires étant appelés pour un incident survenu dans un autre village . Ouf ! …il y avait 3 blessés dans la pièce arrière et des armes dans la cave ! Son mari a été copieusement « tabassé » à la prison d’Auxerre, mais la libération de la ville lui a évité la déportation programmée …Le 11 novembre 1945 Rose VINCENT a été décorée de la croix de guerre…
Mais beaucoup d’autres ont été sacrifiés . Un état de l’Inspection Départementale de la Santé du 1er Février 1945 fait un décompte provisoire des décès dans l’Yonne depuis le 2 septembre 1939 :
– 780 militaires français, dont 39 FFI
– 52 militaires alliés
– 562 civils français et 9 étrangers
– 247 fusillés par les Allemands.
M. Bailly compte plue de 200 résistants morts en déportation, et plus de 200 morts au combat.
Le Général EISENHOWER a évalué à 15 divisions l’apport militaire des Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.)…
CONCLUSION
Cette recherche a eu non seulement l’intérêt de répondre à la question posée depuis 60 ans du devenir de « l’aviateur polonais de Montillot », mais aussi de nous rappeler la vie en France sous l’Occupation. Elle a mis aussi en évidence le sens de la responsabilité et l’esprit civique de la population de notre village dans une période où l’avenir du monde était encore incertain . (On situe en effet le tournant stratégique de la guerre quelques mois plus tard, avec en novembre le débarquement des Américains en Afrique du Nord, et en Janvier 1943 la capitulation des Allemands à Stalingrad).
Et il se trouve qu’à l’occasion de cet épisode, la « petite Histoire » de Montillot a côtoyé la « grande Histoire » de la noble Pologne, si souvent jalonnée de passages tragiques.
Revenant à Julian MAROWSKI, rappelons–nous que, si nos résistants lui ont permis d’échapper aux geôles allemandes et de reprendre le combat qu’il avait choisi en 1939, il a utilisé cette nouvelle possibilité pour des missions au service de cette même Résistance Française, et cela jusqu’au sacrifice ultime…
Et enfin, si l’un d’entre nous passe près de ce cimetière de Normandie où repose Julian, qu’il s’arrête, et se souvienne de la prière du canonnier Joe :
« be an angel and put white and red roses on his grave »
In Memoriam
Clotilde, amie du site, s’est rendue sur la tombe de Julian Morawski et, « …angel, put white and red roses on his grave ».